Titre : Sur les chemins de Chine
Auteur : Clara Arnaud
Editeur : Gaïa
Clara Arnaud a 20 ans quand elle décide de partir dans l'Ouest de la Chine et de traverser le plateau tibétain, à pied avec pour seul compagnie deux cheveaux.
Après des dizaines de romans jeunesses lus en moins de deux jours, voici un récit qui m'a suivi partout pendant deux semaines et alimenté de nombreuses discussions avec mon namoureux. D'ailleurs si mon billet est long c'est que je termine avec une critique sur le voyage.
J'aime les nomades, je rêve de faire un jour ce genre de voyage. Ou plus exactement c'est un fantasme, quelque chose que je ne réaliserai jamais car cela ne correspond pas assez à ma vision du voyage et de la rencontre.
Les trois premières pages ont été difficiles, Clara (rapidement j'ai eu envie de l'appeler par son prénom) m'apparaissant trop prétentieuse et autaine du haut de ces 20 ans. Antipathique au possible, elle étale son savoir littéraire. Mais rapidement elle se concentre sur le pays et les gens qui l'entourent et laisse tomber tout ce superflu. Elle nous propose alors de magnifiques portraits.
Lire ce récit, c'est comme entrer dans une exposition de photographies. Presque chaque jour contient un portrait. Les sujets sont tour à tour Chinois ou occidentaux, Tibétains, Hui ou Han. Certains parlent chinois, d'autre non. Certains ont son âge, d'autres s'approchent de la fin de leur vie.
J'adore la photographie et plus que tout les portraits. Et à chaque description, je n'avais aucun mal à imaginer la personne devant moi.
C'est aussi la découverte d'une région qu'elle nous propose. Mais plus que tout, c'est une aventure humaine. Et le périple de Clara me fait plus penser à un exploit sportif qu'à un voyage.
D'où les nombreuses discussions avec mon namoureux. Nous avons tous les deux beaucoup voyagé, lui parcourrant la Méditérannée en famille pendant un an, moi me trouvant des petits boulots pour un ou trois mois dans différents pays. L'un comme l'autre, on aime se poser, prendre le temps de rencontrer les gens, d'apprendre d'eux. C'est passer des heures à regarder quelqu'un allumer tous les matins le feu avant de s'y essayer (en vain). C'est admirer un vieux pêcheur grec et recevoir en retour tout le matériel nécessaire pour être soi-même pêcheur un court instant.
Clara et sa longue marche m'ont épuisé. J'ai eu l'impression au fil des pages qu'elle courrait. Et pourtant elle évoque la lenteur de la marche, la solitude, l'immensité des paysages qui laisse croire que l'on n'avance pas. Et moi j'y ai ressenti une course, une urgence. Plus d'une fois elle se plaint de ne pas réussir à s'intégrer et j'avais à chaque fois envie de lui répondre "arrête de courir, assis-toi, installe-toi parmis eux".
p186 : "Je crains de rester spectatrice de leur vie, et de me contenter de la contemplation sans avoir la sensation d'appartenir réellement à leur existance, ne serait-ce qu'un instant. Ils me refusent cette intrusion dans leur monde, je n'y fais que passer."
Heureusement plus les pages filent, plus on sent qu'elle se rend compte de sa vanité à vouloir intégré un monde
simplement en y passant, sans prendre le temps de s'arrêter. Ce n'est pas les mois passés dans ces terres qui comptent, mais l'utilisation de chaque jour qui passe.
Autre petit défaut, Clara reste très ethnocentrique. Dans ses réflexions sur le quotidien des Tibétains, elle parle d'anonymat, d'absence de rêve, de monotonie. Et pourtant elle a rencontré des personnes qui avaient le choix de partir ailleurs et qui sont volontairement restés. Elle a croisé la route d'hommes ayant voyagé jusqu'en Inde, puis sont rentrés chez eux. Tous les hommes ont des rêves et aucun n'est anonyme. Mais tout dépend de la "popularité" que l'on cherche à atteindre.
C'est un récit que je recommande, cette partie de la Chine est trop mal connue pour faire l'impasse sur un témoignage comme celui-ci. Et l'écriture est fluide, un peu trop pompeuse par moment, mais agréable.
Et puis sa façon de voir le monde m'a amené à m'interroger sur ma propre vision du monde, me permettant de laisser de côté mes rêves d'évasions nomades, en sachant pourquoi.
Aller plus loin :
Clara Arnaud sera en conférence au 22e Festival des Globe-trotters le dernier week-end de septembre 2010. Mais pour suivre son actualité, voici son blog. Je regrette de ne pas pouvoir aller à cette conférence, je suis curieuse de voir comme elle est "en vrai".
J'ai découvert ce récit grâce au conseil de la libraire (propriétaire ?) de la super librairie Itinéraires, librairie des voyages.
Les photos illustrants ce billet viennent du blog de Clara Arnaud. D'ailleurs le livre en présente quelques unes en noir et blanc dans un carnet central.